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Vente d’assurance en ligne: qu’en pense l’industrie?

Date de publication : 1 septembre 2016 | Dernière mise à jour : 19 avril 2020

​​​​​​​​​​Aux États-Unis, la vente d’assurance automobile en ligne représente près de 30 % du marché alors qu’au Canada, elle atteint 5 %1. Au Québec, la distribution de produits d’assurance par internet fait des débuts timides.

Même si les consommateurs ne sont pas encore au rendez-vous (7 % des Québécois se disent prêts à acheter un produit d’assurance entièrement en ligne)2, le ministère des Finances s’apprête à proposer un encadrement de la distribution des produits et services financiers en ligne au Québec. Il projette d’en intégrer les grands principes dans la Loi sur les assurances – qui deviendra la Loi sur les assureurs – et d’en déléguer le pouvoir réglementaire à l’Autorité des marchés financiers (l’Autorité). Regard sur un enjeu qui interpelle toute l’industrie.

​Enjeux légaux à considérer

Les lois actuelles ne prévoient pas d’encadrement spécifique pour les contrats conclus par Internet. En prévision d’une future réglementation, Me Evelyne Verrier, associée chez Lavery, rappelle l’esprit de la loi : « Il faut garder en tête trois éléments majeurs qui sont au coeur de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) : analyser les besoins, conseiller adéquatement le client et le renseigner. C’est ce qui doit guider les modifications législatives à venir. »

Parmi les enjeux légaux à considérer, Me Verrier mentionne, entre autres, les renseignements obligatoires à mettre en ligne, une convention d’achat en ligne adaptée à l’assurance de dommages et l’intervention obligatoire ou facultative d’un représentant certifié. « On souhaite se positionner dans un cadre législatif souple qui répond aux attentes des consommateurs, mais qui doit aussi les protéger, indique Me ​Verrier. Il faut éviter notamment les conseils inadéquats, les renseignements insuffisants, les produits ne convenant pas aux besoins du client et les risques de nullité ab initio. »

L’industrie se prononce

À la lumière des 330 mémoires déposés en réponse au Rapport sur l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers3 du ministère des Finances, il semblerait que les assureurs soient d’accord avec les principes généraux d’encadrement de la vente d’assurance en ligne alors que les courtiers préconiseraient plutôt l’intervention d’un représentant certifié. « Pour le client, acheter sur Internet équivaut à marcher sur un fil de fer sans filet de sécurité, illustre Patrick Bouchard, président du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec. Ce serait simple si tout était couvert, mais ce n’est pas le cas. C’est pourquoi l’intervention d’un représentant certifié, qui est responsable de s’assurer que le produit répond aux besoins du client et le protège adéquatement, est nécessaire. » Pour sa part, Alain Hade, vice-président principal chez Desjardins Groupe d’assurances générales, voit Internet comme un outil supplémentaire pour offrir un meilleur accompagnement au consommateur. « Ce n’est pas soit Internet, soit un représentant. C’est tantôt par le Web, tantôt avec un conseiller. C’est la notion d’omnicanal qui prend tout son sens ici. »

Eric Stevenson, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’Autorité, croit à la valeur ajoutée du conseiller, « mais on ne peut pas empêcher le consommateur d’acheter de l’assurance en ligne. Or, il faut éviter que l’Autorité reçoive plus d’appels ou de plaintes de consommateurs mal protégés. Là, on aurait un problème ! » Une série de propositions4 a d’ailleurs été présentée par l’Autorité pour veiller à ce que le consommateur fasse un choix éclairé lors de l’achat d’assurance en ligne, telle que la divulgation des renseignements « par étapes ». « Les dangers de l’autoévaluation demeurent, prévient M. Stevenson. L’objectif est d’assurer le transfert d’information entre l’assureur et le client afin que ce dernier puisse avoir tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée. »

Conseil et responsabilité ?

L’implication du représentant certifié dans la transaction en ligne demeure vraisemblablement un sujet chaud. Lorsque la LDPSF a été créée en 1998, le législateur avait jugé qu’il existait un déséquilibre informationnel entre le professionnel qui détient des connaissances et le consommateur qui s’expose à des préjudices s’il n’est pas conseillé adéquatement. Pour protéger les assurés, un permis d’exercice est donc nécessaire afin de rendre les professionnels responsables des actes qu’ils posent. Par ailleurs, la Cour suprême5 stipule que « la personne ordinaire a souvent de la difficulté à comprendre les différences subtiles entre les diverses protections offertes. Les agents et les courtiers ont reçu une formation qui les rend aptes à saisir ces différences et à donner les conseils adaptés à la situation de chaque individu. Il est à la fois raisonnable et opportun de leur imposer l’obligation non seulement de fournir les renseignements, mais encore de conseiller les clients ».

La distribution de produits d’assurance par Internet transférerait-elle la responsabilité actuelle des professionnels sur les épaules des assurés ? M. Hade croit qu’il est dans l’intérêt des assureurs que leurs clients soient bien assurés et, selon lui, Internet, la qualité des outils technologiques et le big data peuvent aider à les informer. Pour lui, l’assureur pourrait devenir responsable au même titre que les professionnels le sont actuellement. De son côté, M. Bouchard approuve l’utilité du Web pour le client qui cherche de l’information, mais quand il s’agit de protéger son patrimoine, il est catégorique : « La bonne protection des clients passe par les conseils d’un représentant certifié. »

À ce sujet, certains flous dans la réglementation devront d’ailleurs être précisés. Si le représentant donne des conseils par clavardage sur un seul élément de la soumission, ses obligations déontologiques s’appliqueront-elles à l’ensemble de la transaction, dans le cas où le client n’a pas choisi une protection suffisante ? Quelles seront les limites de sa responsabilité déontologique ? Pour M. Stevenson, il pourrait être nécessaire d’ajuster les codes de déontologie aux nouvelles réalités : « Tout comme la loi, les règlements devront évoluer pour s’adapter aux attentes et aux besoins des consommateurs. »

Des pistes de solution

Interrogés sur leurs habitudes d’achat en ligne6, les Québécois suggèrent eux-mêmes quelques pistes de solution pour les aider à prendre une décision éclairée : 

  • ​Appel téléphonique avec un agent ou un courtier expliquant les protections incluses et exclues (66 %) 
  • Exemples concrets sur ce qui est couvert ou non par le contrat (43 %) 
  • Conseils par clavardage avec un agent ou un courtier (39 %) 
  • Alertes mentionnant l’impact sur la protection selon les réponses fournies dans le questionnaire en ligne (34 %) 
  • Points d’information à chaque question (34 %) Une fois le questionnaire en ligne rempli, questions à choix multiples afin de confirmer la compréhension des clauses du contrat (33 %) 
  • Capsules vidéo (19 %).

Me Verrier propose aussi quelques pistes de solution : accès en tout temps à un représentant certifié, définition simple des produits, élaboration d’outils d’autoévaluation adéquats, normes de souscription adaptées aux ventes en ligne, clause de renonciation d’accès à un représentant certifié, avis relatif aux fausses déclarations et droit de résiliation. « L’objectif est de s’assurer que le consommateur comprend ce qu’il achète, qu’il connaît les risques liés à une vente sans l’intervention d’un représentant certifié et qu’il ne soit pas pénalisé d’avoir choisi ce canal de distribution ​», ajoute-t-elle.

Quant aux recours offerts aux consommateurs, Me Verrier rappelle que si l’on autorise la vente en ligne sans l’intervention d’un représentant certifié, le consommateur perdra deux des quatre recours dont il jouit présentement, soit le recours en responsabilité professionnelle et le recours disciplinaire. Pour le recours civil en dommages, afin qu’un assuré puisse s’en prévaloir, la loi devra prévoir des articles en conséquence, par exemple dans le cas où le formulaire de souscription ne serait pas conforme ou que l’information fournie serait incomplète.

Le conseil jouera-t-il toujours un rôle actif auprès des assurés ?

Les assureurs innovent et créent de nouvelles façons de distribuer l’assurance. Les divers acteurs de l’industrie sont d’ailleurs unanimes à dire qu’Internet peut être utile pour informer les clients et qu’un travail de sensibilisation s’impose, étant donné qu’il s’agit de produits complexes. C’est pourquoi la prudence est de mise afin de ne pas affaiblir la protection du public dans cette quête axée sur la virtualisation des échanges et l’acquisition de nouveaux marchés.

Les assurés sont présentement protégés par un système d’encadrement qui exige que les professionnels leur proposent un produit adapté à leurs besoins. Sans l’intervention d’un professionnel encadré, certifié et responsable de ses actes, comment garantir qu’on ne transfère pas la responsabilité actuelle des agents et des courtiers sur les épaules des assurés ? Le consommateur s’exposera-t-il à la sous-assurance, à la négation de sa couverture et à l’achat de produits inutiles, en plus de ne plus jouir des recours dont il bénéficie actuellement ? Les risques sont trop importants pour les milliers de Québécois qui cherchent à protéger leur patrimoine. Bref, la réglementation de ce mode de distribution est attendue avec intérêt par l’industrie.

 

S’inspirer de l’international

Pour éviter les ratés vécus à l’échelle internationale, l’industrie québécoise de l’assurance peut s’inspirer des modèles de réglementation de la distribution d’assurance en ligne.

Réglementée depuis 2002, l’Union européenne a revu son cadre législatif en novembre 2015 pour réintégrer la notion de conseil, essentielle à la protection du public. La vente en ligne est maintenant assujettie aux mêmes normes d’information que la vente par un conseiller7.

Réagissant à la croissance des ventes d’assurance en ligne, la Chine a adopté une législation transitoire obligeant les fournisseurs à s’enregistrer et à suivre certaines règles minimales concernant l’information à fournir au client. L’information doit en outre être présentée dans un langage facile à comprendre.

Au Royaume-Uni, il a été démontré que les consommateurs qui contractent de l’assurance en ligne effectuent des choix basés sur le prix le plus bas, ce qui les rend plus vulnérables à la sous-assurance. Cela s’est confirmé lors des inondations records de 2015 : plusieurs consommateurs ayant contracté leur assurance sur des sites d’agrégateurs ont alors appris qu’ils n’étaient pas couverts8.

 

N.B. : Les propos des intervenants ont été tirés de la conférence À quoi devrait ressembler la vente d’assurance en ligne : qu’en pense l’industrie ?, présentée lors de la Journée de l’assurance de dommages 2016.

1. Google et TNS, Consumer Barometer, octobre 2014, données tirées de la présentation donnée par Jacques Nantel lors la Journée de l’assurance de dommages 2016.
​2. Sondage Léger, pour le compte de la ChAD, effectué auprès de 500 Québécois âgés de 18 ans et plus, janvier 2016.
3. Ministère des Finances du Québec. Rapport sur l’application sur la Loi sur la distribution de produits et services financiers, mai 2015.
4. Autorité des marchés financiers. L’offre d’assurance par Internet au Québec, avril 2015.
5. Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, [1990] 3 R.C.S. 191.
6. Sondage Léger, pour le compte de la ChAD, effectué auprès de 500 Québécois âgés de 18 ans et plus, janvier 2016.
7. Michel Bergeron, associé et leader, services financiers chez EY, Journée de l’assurance de dommages, mars 2016.
​8. Étude Coming to Terms with Insurance Aggregators, Accenture Consulting, 2016, p. ​6.